l'abbé Denis Grivot est mort

Publié le par Florence Bardon Berthoux

Une partie de ses ouvrages sont encore disponibles à la librairie

Saône-et-Loire
le bien public du 11 juillet 2008

Mercredi soir, peu après 20 heures, une cloche de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun a sonné. Pas n'importe laquelle. La plus grosse. Elle s'appelle la Marthe. Elle sonnait, naguère, chaque fois qu'un chanoine de la cathédrale mourait. Mercredi soir, elle a respecté cette tradition : sa voix grave annonçait le départ du chanoine Denis Grivot.
Le chanoine Denis Grivot est né, à Rully, le 3 novembre 1921. Dans une immense famille qui faisait commerce du vin. Etudes primaires à la
Maîtrise de la cathédrale d'Autun. Etudes secondaires aux petits séminaires de Rimont et de Semur-en-Brionnais. Etudes supérieures à Saint-Sulpice, à Paris, lieu qu'avait fréquenté, cent quatre-vingts ans plus tôt, un certain Talleyrand.
Ordonné prêtre en 1947, il est nommé vicaire de la cathédrale d'Autun, puis, dans la foulée directeur de la Maîtrise. Sa première école. Il avait été nommé là pour la fermer, la fréquentation de l'établissement étant en chute libre. Il la sauva, désobéissant en cela pour la première fois à son évêque.
Il la sauva en trouvant des fonds via l'écriture et l'édition. Ce jeune homme de moins de trente ans affûta sa plume et commença à écrire. C'était il y a soixante ans. Cette plume a couru sur le papier jusqu'à la semaine dernière.

Le « jeune abbé » qui « vola » une tête de Christ;
Le chanoine Denis Grivot a écrit plus de trente livres. S'est intéressé à cent sujets. Le tympan de la cathédrale d'Autun, avec ses sculptures romanes, ses personnages fantastiques, saints et diables, pèlerins, évêques, femmes de mauvaise vie et ivrognes, n'a cessé de l'interroger, et, à travers ses écrits de nous interroger. Quand il parlait, quand il écrivait, il avançait à l'aise, étant comme chez lui aussi bien au XIIe siècle (celui du tympan) qu'au XVe (celui du cardinal Rolin, évêque d'Autun et... Père d'un autre évêque d'Autun, qu'aux XVIIIe et XIXe (les siècles de Talleyrand), etc. Il était aussi « chez lui » dans le XXe. Et le XXIe ne le surprit pas davantage (1).
Il a écrit sur l'art roman, sur l'histoire d'Autun... Il a écrit le « dictionnaire » (2) des églises et chapelles de Saône-et-Loire (ce qui lui valut d'être nommé conservateur des Antiquités et Objets d'Art de Saône-et-Loire). Il a écrit sur Paray-le-Monial, sur Tournus, sur Cluny. Sur les anges et les démons, sur « le diable » de la cathédrale d'Autun... Il a côtoyé et nous a donnés à côtoyer le sculpteur Gislebertus qu'il a découvert (3), Pierre le Vénérable, saint Hugues, les autres grands abbés de Cluny, saint Bernard, Abélard, Héloïse, saint Léger, Aliénor d'Aquitaine, saint Philibert, les pères de l'Eglise, Augustin et les autres, les textes des évangiles, ceux de l'Apocalypse... A travers des livres. Mais aussi à travers des conférences. Et, pour les happy few, lors de ses « après-conférences ». Inoubliables moments.
Le chanoine Grivot restera aussi comme le « jeune abbé » qui, un après-midi de 1948, « vola » une tête de Christ au musée Rolin pour la rendre à celui auquel elle appartenait : le Christ du tympan qui en était privé depuis 1766. Des chanoines avaient fait ôter cette tête. Un chanoine l'a remise à sa place. Tout est en ordre.
C'est justement sur l'histoire de cette tête de Christ que le chanoine Grivot nous a tiré sa révérence. Le livre concernant cette histoire aura été l'ultime ouvrage paru de son vivant ; c'était au printemps dernier, il y a tout juste huit semaines, chez un éditeur Bourguignon, Gérard Gautier, qui était devenu son ami... et qui attendait le manuscrit suivant.
Car le chanoine Grivot écrivait toujours. Ses derniers feuillets étaient une étude sur Talleyrand, « Talleyrand et l'esprit religieux », une sorte de réhabilitation d'un homme que la « conscience collective » a trop vite qualifié d'irréligieux.
Lui ayant rendu visite il y a quelques jours, j'ai pu avoir les premiers feuillets de ce livre en chantier. Tapés au propre par une sœur amie. C'est du Grivot pur jus. Quelque chose en même temps de savant et d'intime. Léger dans l'écriture. Profond de fond. Historiquement sûr de chez sûr.
Le chanoine Grivot restera aussi comme le « guide » de la cathédrale d'Autun. Il en connaissait chaque pierre, chaque personnage. Il l'a montrée à des milliers d'enfants, de touristes anonymes. Mais aussi à des gens célèbres. Des acteurs de théâtre et de cinéma. Des musiciens, des chanteurs. Des présidents de la République. Des têtes couronnées ou tout comme : la reine mère d'Angleterre, le prince Charles et même l'empereur Bokassa.
Il a baptisé des dizaines d'enfants, neveux, nièces, fils et filles d'amis. Il a marié des dizaines de couples. Il lui est arrivé de marier deux fois les mêmes. Il a enterré aussi pas mal de monde. Avec, chaque fois, des sermons. Des sermons courts. Allant droit au but. Fins. Touchant le fond des cœurs.
La Marthe a sonné mercredi soir. A nuit tombante.

Michel LIMOGES
(1) Entrez sur Google et tapez « denis grivot » et vous verrez des pages et des pages présentant ses ouvrages.
(2) Voir « La légende dorée d'Autun » (édition Lecuyer, 1974).
(3) Voir « Gislebertus, sculpteur d'Autun », écrit avec un grand universitaire londonien, le professeur Zarnecki (Editions du Zodiaque)

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P
Quand j’étais petit, j’étais a l'école de la maîtrise de la cathédrale et j'admirais mon directeur d'école qui était Le chanoine Denis Grivot, la dernier fois que je l'ai vue c'était en 1992 et je l'admirais encore toujours à cette époque, il me manquait depuis que j'avais quitté la maîtrise mais là je pense souvent à lui et au lieu de mon enfance!!! c'était un grand monsieur !!!!
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T
Un grand Monsieur s'en est allé! Peu ou pas de relais dans la presse mais ceux et celles qui ont eu la chance de le connaître ou à défaut, de lire quelques un de ces ouvrages sauront le sens de ces mots.
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